Hello les woodies, je vous ai dit, durant ces articles nous aurons des guest qui nous livreront des chroniques ! Vous avez découvert notre fondateur Maxime Raillot la semaine dernière. Cependant il a encore plein de choses à vous apprendre sur l’impact du livre sur l’Histoire. Je vous laisse avec votre narrateur du jour pour découvrir cela…
Clichés et idées reçues
Bien souvent on entend dire que les livres ne servent à rien, qu’ils ne sont qu’un outil de distraction pour des gens qui veulent se donner un genre ou un mode de formation désuet pour de pompeux lettrés. En somme, ce serait un objet sans réel autres pouvoirs que nous distraire ou de modérément nous instruire, pas de quoi changer l’Histoire donc. Et pourtant…
Ce serait oublier que certains ouvrages méconnus ont eu et ont encore, un impact durable sur nos vies. Nous ne parlerons pas ici de la Bible, du Coran ou de la Torah. Les conséquences de leur parution sont trop connues et matière à débat.
Non, dans cette série de chroniques, nous nous concentrerons sur ces livres à l’impact démentiel mais à la renommée bien malheureusement ridicule.
La Croix Rouge
Qui ne connaît pas cette organisation de bienfaisance à l’échelle mondiale, ce symbole si simple mais pourtant si impactant. Fondée en 1863 à Genève, elle est le signe distinctif le plus connu des services de secours dans le monde. Le nombre de vies sauvées grâce aux efforts, souvent héroïques, des personnels de la Croix Rouge depuis 160 ans est tout bonnement incalculable.
Cependant, alors que nous connaissons tous l’impact retentissant de cette organisation de bienfaisance, ses origines, elles, mettent à l’épreuve notre connaissance.
Solférino et son souvenir
Comme souvent, les plus belles choses émergent de moments d’infamie : La Croix Rouge ne fait pas exception. C’est en effet sur les plaines et collines fertiles de l’Italie du Nord, entre le Chiese et le Mincio que la genèse de l’organisation va se jouer. Au terme d’une bataille toute aussi longue, terrible qu’improvisée, les belligérants Italiens, Autrichiens et Français laissent sur le terrain 6000 morts et 40000 blessés. Cependant, ce qui choque, ce n’est pas le bilan certes très élevé mais néanmoins et malheureusement habituel pour les conflits de ce temps. C’est en revanche le traitement ou plutôt l’absence de traitement donné aux blessés et la violence des combats. Néanmoins pour ce dernier point, nous y reviendrons c’est certain.
Un des témoins de cet affrontement ne fut autre qu’Henri Dunant. Horrifié à la vue des conditions sanitaires déplorables et des blessures des soldats, l’avocat prit la décision d’écrire afin de rendre public, son douloureux souvenir au travers de son célèbre livre.
Mentir pour le bien commun

Dans le livre « Un souvenir de Solférino” paru en 1862, Henri Dunant nous décrit ce qu’il a vécu et vu lors de la bataille. C’est un récit poignant, la vision d’un simple observateur impuissant naviguant dans un océan de tourmente. On peut dans ces lignes découvrir des scènes de barbarie, de violents combats au corps à corps. Homme contre homme, métal contre métal, dans confusion et l’horreur la plus totale. Si on en croit l’auteur, la plupart des affrontements se sont déroulés dans une proximité bestiale, engendrant de terribles blessures à l’arme blanche. Suite à ces mutilations, les soldats étaient abandonnés à leur triste sort sous le cuisant de l’été milanais. Comment alors, à la lecture de ces lignes, ne pas être pris d’émois ?
L’auteur conclut son récit par une ouverture, ou plutôt une interrogation. Pourquoi n’existe t’il pas dans ce siècle, qui se veut porte étendard du progrès, un service de soins indépendant pour les militaires qui les traiteraient à leur gré ?
Le livre dès sa sortie fut traduit en onze langues et connu un succès si retentissant qu’il fut en grande partie à l’origine de la création du Comité International de La Croix Rouge à peine un an plus tard.
L’histoire aurait pu s’arrêter là, sur une fin heureuse comme dans les contes de fées où tout est beau et parfait. Cependant, si on y regarde de plus près, avec un oeil avisé, on découvre avec fracas, que l’ouvrage de monsieur Dunant ne fut pas aussi bienfaisant que cela.
Une croix rouge, pas si blanche
Vous rappelez vous des scènes de barbarie ? Des combats au corps rageur et bestiaux ? La description, en résumé, d’une bataille presque moyenâgeuse qui représentait la quintessence de l’horreur.
Si l’on en croit les écrits de Henri Dunant, le feu n’aurait pas été un facteur décisif, c’est l’acier et la force brute qui auraient « fait le travail ».
De plus, les soldats se seraient jetés sur les lignes ennemies machinalement, avec discipline et entraînement. Cependant, tout cela n’est qu’un mensonge, une pure invention.
En réalité, moins de 1% des pertes de la bataille ont été causées par des blessures à l’arme blanche. Pire, les combats n’étaient pas pour la plupart des corps à corps rageurs, mais plutôt des combats de tirailleurs. Ces derniers étaient, j’imagine, moins intéressants à décrire. Après, je n’y étais pas je ne peux vous le dire.
Mais me direz-vous, pour ceux qui ont encore le courage de me lire, « qu’est-ce ça peut nous faire ? Ce n’est qu’un sujet pour les intellectuels et historiens, fervents défenseurs d’une réalité historique dont tout le monde se fout. Qu’est ça change ? » Et vous auriez sûrement raison. À moins que…
C’est indiscutable, ce « souvenir de Solférino » donna naissance à l’une des organisations caritatives les plus remarquables.
Le moral à l’épreuve des balles
Cependant, cet ouvrage eut des conséquences tout aussi désastreuses que méconnues et cela principalement dû au fait qu’il fût chez nos alleux si répandu.
Les militaires français dans leur majorité magnanimes accueillirent avec grande joie ces écrits à la véracité infime.
En effet, cela les confortait dans leur théorie que le feu n’était pas leur premier ennemi. Que sur un champ de bataille, le courage et la bravoure devaient faire face aux boulets et aux balles prévaloir.
Nos généraux comme à leurs habitude, habiles, entraîneraient donc nos armées à attaquer en rang serré, face à un feu qu’il fallait surpasser, tenez-vous bien, grâce à la force de l’esprit et à la discipline. Nos chers rivaux allemands n’en pensaient pas moins. C’est ainsi qu’en 1870 des millions d’hommes furent jetés les uns contre les autres dans des assauts tout aussi suicidaires qu’infructueux.
On estime à environ 120 000 le nombre de morts du côté français et 130 000 du côté allemand. Ça fait quand même beaucoup.
Bien qu’heureusement nos chers supérieurs eurent un peu appris de leurs erreurs, le même type de stratégie fut répété au début du premier conflit mondial, avec les résultats qu’on lui connaît.
La grande guerre fut l’électrochoc qui enterra définitivement, en même temps que des millions de soldats l’idée des combats que promouvait notre cher monsieur Dunant.
Quand l’avocat supplante le soldat
Pour conclure, on pourrait s’interroger avec notre vision contemporaine. Comment de telles inepties, sur le fait que le moral pouvait être plus fort qu’une balle ont pu se développer sans que personne ne puisse s’y opposer ? Étaient-ils tous si demeurés ?
Tout d’abord, bien heureux et calomnieux celui qui prétend prédire l’avenir. Ensuite, la pensée inverse existait bien et fut décrite tenez-vous bien dans un autre bouquin.
« Études sur le combat : combat antique et combat moderne » paru en 1880, 10 ans après la mort de son auteur Charles Ardant du Picq au champ d’honneur lors de la guerre franco-prussienne, livre un tout autre aperçu de la réalité.

L’ouvrage relate les nombreuses observations de ce talentueux officier lors des guerres de Crimée, d’Italie et d’Algérie.
On y apprend notamment que parmi les hommes du rang, les effets dévastateurs du feu étaient bien connus. Les soldats s’adaptaient eux mêmes, sans attendre l’ordre des officiers, à cette nouvelle réalité que ces derniers continuaient à nier.
Ils ne se lançaient plus, même sur ordre, dans des charges folles et sanguinaires ce qui explique notre paradoxe précédemment cité. Des combats furieux mais pas de corps à corps. Rien de ces affrontements à la baïonnette pourtant si glorifiés par les généraux et dénoncés par notre avocat genevois derrière son bureau.
En tirer des leçons
Alors si l’on savait, pourquoi Ardant du Picq ne fut-il jamais écouté et pourquoi les massacres ont-ils continué à exister ? La réponse est à la fois simple et désolante, l’avocat à la plume bien plus acérée et captivante que celle d’un soldat.
La vérité parfois s’efface devant la nécessité de l’éloquence.
Soyez donc dans vos prochaines lectures et dans vos prochaines écoutes prudents. Ce n’est pas parce que l’on est plus éloquent, que la raison empli nos propos nécessairement.
Maxime Raillot
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